Glou-glouton de saucisson

Cette semaine, je vais partager avec vous une anecdote que m’a racontée le boucher chez qui j’étais allée acheter des saucisses à cuire pour préparer des Wäinzossis sauce moutarde. Les protagonistes de cette histoire coquasse sont le boucher et le client qui me précédait.

Journée de courses hebdomadaire. La plupart de mes achats vont m’être livrés à domicile dans la soirée. Il ne me reste plus qu’à passer chez le boucher. Je pousse la porte du commerce. Cela sent bon les salaisons. J’hume ce délicieux fumet à plein nez en attendant que le boucher me serve. Je balaie goulument les charcuteries du regard quand des odeurs piquantes viennent troubler mon odorat. Tabac froid et vieille transpiration. Elles proviennent du client qui me précédait, un grand gars crade et mal fagoté, à l’air patibulaire. Le genre de type envers lequel on garde ses distances, pas uniquement en raison de l’odeur.

Le boucher lui tend une tranche de salami. Il l’a saisi, l’engloutit en entier et se met à la mâcher bouche ouverte. «C’est bon!», lâche-t-il la bouche pleine, «Mettez-en moi cinq tranches!» Le boucher s’exécute. «Et celle-ci, avec les grains bruns sur la croute?» Le client désigne un salami au poivre. «Je peux goûter?». Le boucher attrape la saucisse et en coupe une fine tranche qu’il tend au client. «Mmmh…! Le goût du poivre monte tout doucement. Je vais en prendre aussi. Cinq tranches.»

Il ne va quand même pas goûter toute la boutique? Après les saucisses, il va passer aux jambons et aux pâtés? Je commençais à m’impatienter. Je marinais dans la puanteur de mon voisin. A chaque fois qu’il levait le bras pour se saisir d’une des tranches que le boucher lui tendait, une nouvelle vague aigre me coupait le souffle. Au lieu, de faire une dégustation gratuite, le type ferait mieux de rentrer chez lui prendre une douche et lessiver ses vêtements.

La moutarde me monte au nez

Saucisse d’Ardennes, mortadelle… Le client ne semblait nullement embarrassé de me faire attendre. Cela faisait plus de dix minutes que j’étais entrée dans la boucherie et j’envisageais d’en changer si je n’étais pas bientôt servie. Hors de question de faire l’impasse sur mes saucisses à cuire! Mais je n’avais pas non plus l’intention de me laisser emmerder par un malpropre. Je trépignais et lançais des regards noirs au client dans le miroir accroché derrière le comptoir. Quand il s’agit de nourriture, je ne transige pas! Mais le type n’avait pas du tout l’air impressionné. Il s’est attaqué au saucisson sec. Mais il me provoque ou quoi!?! Et le boucher, il va continuer ce cirque encore longtemps?

La moutarde de mes Wäinzossis commençait à me monter dangereusement au nez quand le type s’est enfin décidé à payer ces tranches de saucisse. Ouf! Mon tour approche. Le type paye. Le boucher lui tend un sachet rempli de paquets imprimés de vichy rose. Et là, au lieu de se retourner et de partir, le type me jette un regard mauvais et demande au boucher s’il peut avoir une tranche de cervelas. Je crois rêver! Encore une fois, le boucher s’exécute. Il lui tend la rondelle par dessus le comptoir. L’autre prend son temps de la déguster par petites bouchées. Le boucher en profite pour se tourner vers moi et me demander ce que je souhaite. Deux Wäinzossis! Privé d’attention, le gars quitte enfin la boucherie.

Emballé, c’est pesé! Cela aura pris deux minutes et j’attends mon tour depuis bien un quart d’heure. Le boucher prend un air jovial et s’excuse pour l’attente. Il m’explique que le type vient régulièrement goûter ses saucisses. «Il est connu de tous les bouchers du quartier», m’indique-t-il. «Il est toujours bourré et on le suspecte de vouloir masquer son haleine d’alcool avec les tranches de saucisse qu’il gobe. Il doit avoir peur de se faire engueuler par sa femme quand il rentre chez lui.» Le type ne semble pas connaître l’existence du chewing-gum ou des pastilles à la menthe. Selon le boucher, il va boire des coups en sortant du travail et se précipite chez un boucher différent chaque jour en sortant du café.

Le type a inventé l’apéro fractionné: on picole d’abord et on picore ensuite! Allez, viens boire un p’tit coup à la maison! Y a du blanc, y a du rouge, mais pas de saucisson. On ira l’acheter après. Tout un concept. Tous les fous sont dans la nature et pas uniquement un étage plus bas!

 

 

 

Un commentaire