J’irai cracher sur votre absence de respect

Bref, je suis vénère, grave. J’en ai raz le bol de me faire agresser, rabrouer, cracher dessus dès que je mets le nez dehors et entre en contact avec un de mes contemporains. Y a-t-il écrit sur mon front «Manquez-moi de respect?» ou les gens n’ont-ils plus aucune éducation? Sont-ils tellement frustrés et aigris qu’ils en ont oublié d’être sympas et se sentent obligés de blesser, d’être violents? La société, à force de libérer la parole et de la donner à tous, a-t-elle engendré des monstres? De bêtise, d’égoïsme, de bassesse, qui ne savent plus rester à leur place.

Par où je commence? Par Josie Maboul, tiens! Elle s’imagine que les gens du quartiers sont, de ses propres mots, «de la merde». Pourtant, en la matière, elle ferait mieux de balayer devant sa porte. Et derrière aussi, à en juger par les odeurs nauséabondes qui filtrent de sa porte jamais fermée, comme son immonde parasol qu’elle nous imposait, de même que la vision du bric-à-brac qu’elle thésaurisait en dessous. Et puis, il y a cette odeur. Une odeur de vieux bastringue après une soirée bien arrosée. Ça pue la gitane maïs froide (elle fume un champ entier chaque soir), la pisse de chat diabétique (elle n’a pas de chat), le café bon marché, le lard grillé et un je ne sais quoi qui rend cette puanteur unique. Elle a la particularité de me donner envie de vomir. Surtout quand je sors de la douche, toute propre et sentant bon le savon ou quand je viens de me parfumer ou de faire le ménage et que l’appartement sent bon la lavande. L’odeur s’immisce partout. Depuis la porte grande ouverte de Josie, elle gravit les marches de l’escalier qui mène aux étages, passe sous la porte de l’appartement ou par les fenêtres ouvertes pour «aérer». Très agréable pour commencer la journée ou un dimanche matin pendant une grasse matinée. Mais à part ça, les romanichels, c’est les autres!

Aide-moi au lieu de te foutre de moi!

Oh et puis, il y a le gardien de l’école. Un petit bonhomme aigri à en juger par la manière dont ses lèvres se tordent en un rictus quand il parle, m’a craché son fiel à la figure avec un naturel déconcertant. Des ouvriers avaient ouvert la rue, m’empêchant de débarquer mes courses. J’étais donc réduite à aller me garer à perpette et à rentrer chez moi à pied chargée comme un âne des courses pour la semaine. Me voyant bifurquer au coin de la rue, le couillon (parce que c’en est un!) me suggère d’aller faire de la musculation parce que, je cite: «tout ça est un peu faiblard!» en prenant à témoin les ouvriers occupés à leurs heures supplémentaires. «C’est un mec qui mesure 1,50 mètres et pèse 30 kilogrammes tout mouillé qui me dit ça? Si vous aviez des manières, vous m’aideriez.» Pour une fois, j’avais réussi à répondre du tac au tac. Il avait dû se trouver drôle et son piteux petit cerveau de primate a dû se dire que je n’ai aucun humour, un sale caractère, mes règles et que je dois être mal baisée. Je ne le regarde plus.

Et puis, il y a les couillons sur la route, qui pensent qu’avoir un permis de conduire (comme tout le monde), les rends supérieurs aux autres. Et les couillons sur le rail. D’ailleurs quelqu’un pourrait-il m’expliquer la différence entre la première et la deuxième classe, si ce n’est la couleur des fauteuils et le prix? Vendredi dernier, j’attendais le train sur un quai blanchi de vieux chewing-gums de la gare d’Esch-sur-Alzette, sans indications claires. J’étais en avance, le train aussi. Mais étais-ce bien le bon? Avant d’y embarquer, je me renseigne auprès du contrôleur. Heureux de faire son métier, il me rabroue sympathiquement. «Il s’arrête toujours sur le quai, là», me lance-t-il en m’indiquant de son bras tendu au dessus de l’épaule l’autre côté du quai. Je le remerciais souriante et lui expliquais mon doute: «Il y a écrit Ettelbruck sur le train. C’est ma direction, donc j’ai hésité.» Et le mal-embouché de tendre à nouveau son bras au dessus de son épaule en direction de l’autre côté du quai et d’aboyer: «Il arrive toujours sur ce quai, là.» «Oh, excusez-moi, je ne voulais pas vous empêcher de faire votre métier», lui dis-je avant de retourner me placer du bon côté du quai. Là où des hommes crachaient à mes pieds.

Big-dégoût, agressez-vous!

D’un point de vue anthropologique, je n’ai pas encore compris pourquoi, sortie d’un certain milieu, les hommes crachent à mes pieds ou reniflent fortement en passant devant moi. D’accord, je sens bon. Et il y a ceux qui balancent leur mégot de cigarette dans ma direction au risque d’abîmer mes chaussures ou ma pédicure. C’est extrêmement déplaisant et d’une vulgarité immonde. Ça ne les rend pas très sympathiques, mais ils n’en ont pas forcément l’air non plus. Du coup, je n’aime guère attendre le train en compagnie de rustres.

J’allais presque oublier les vendeuses désobligeantes. Celles qui ne font pas la différence entre du mohair synthétique et un cashmere 24 fils, mais se sentent tout de même obligées de vous faire passer pour plus paysanne qu’elles. Un mal commun à pas mal de femmes d’ailleurs. Vous savez, celles qui pensent que la classe s’achète mais n’en ont pas les moyens. Bref, mon magasin de vêtements préféré du centre-ville n’ayant plus un modèle de robe longue en particulier à ma taille, on me propose de vérifier dans une autre boutique moins fréquentée de la marque et de me la faire mettre de côté pour que je puisse aller l’essayer. J’apprécie le service et me rends au magasin en question. J’essaye la robe et réalise qu’elle est trop courte et me tasse. La stroupinette qui sert de vendeuse me regarde d’un air moqueur et pique: «Comme quoi être trop grande, c’est handicapant.» Toi, tu marcherais dessus pauvre cloche! Je sais pas moi, active ton cerveau, propose-moi un autre modèle, dis que la marque taille petit, sois avenante au lieu de rester planter là la bouche ouverte à ruminer ton chewing gum. Bim, prends-toi ça dans ta gueule par une gamine idiote et sans éducation. J’en toucherai deux mots à la gérante des magasins quand je la croiserai.

Ce n’étaient ici que quelques exemples récents que je vais m’empresser d’oublier rapidement comme toutes les agressions gratuites précédentes. Il s’agissait de pousser un coup de gueule, de faire un constat sur des attitudes plutôt désagréables et blessantes, vous l’aurez compris. Cela ne m’empêchera pas de sourire, mais je vais désormais garder un spray d’eau dans mon sac pour me défendre face aux cracheurs. Non, pas mon brumisateur.

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