La valise abandonnée

Une valise à roulettes était adossée au muret en face de la maison. Elle était grande et en toile bleu marine. Sur le devant était plaquée une grande poche plate qui fermait grâce à une tirette. Au chaud derrière la fenêtre de ma cuisine, je me demandais ce qu’elle faisait là. Par les temps qui courent, trouver une valise abandonnée n’est pas anodin, même dans un quartier aussi paisible que le nôtre. Si j’habitais le long d’un grand boulevard dans une grande ville, la police aurait déjà évacué et bouclé le périmètre. Des démineurs de l’armée se seraient déjà penchés sur son cas et nous en aurions été quittes pour une bonne frayeur. Mais ici, dans notre rue, elle restera sans doute adossée au muret jusqu’au prochain passage des encombrants. A moins que Josie ne s’en mêle.

Le lendemain, la valise n’avait pas bougé. Elle ne semblait déranger personne. Cela m’étonnait. Cet élément étranger à la rue n’avait pas encore piqué la curiosité de ma voisine. Il faut dire que depuis son accident, elle se tenait plus tranquille. On ne l’entendait plus. Elle restait cloîtrée chez elle, semblait-il. Elle ne se chamaillait plus avec les habitants du quartier et elle avait arrêté de surveiller les voitures mal stationnées depuis qu’elle s’était attaquée au livreur du supermarché qui avait eu le malheur de stationner sa camionnette de livraison depuis notre maison.

Le troisième jour, la valise était toujours là. Personne n’y avait touché et elle n’avait pas explosé non plus. La pluie qui était tombée pendant la nuit ne l’avait pas épargnée. Deux retraités du quartier discutaient près du muret. Le petit teckel orange du petit monsieur à la casquette en tweed et au bleu de travail a levé la patte pour faire ses besoins contre la valise après l’avoir reniflée. Elle appartenait à son territoire à présent. De la fenêtre de ma cuisine, je m’interrogeais sur son propriétaire et les raisons de son abandon. J’étais également curieuse de savoir ce qu’elle contenait. De quoi partir en vacances? Toute une vie pour certain qui n’a plus rien? Un corps découpé en morceaux ou une tête décapitée? Ou juste rien. Il arrivait que des gens déposent des ordures ou des objets dont ils ne voulaient plus dans la rue.

Quelqu’un avait dû être plus curieux que les autres habitants du quartier car, le quartrième jour, la valise béait à un mètre du muret. Elle était vide et défoncée, mais elle était toujours là. Son propriétaire ne viendrait sans doute plus la récupérer. Combien de temps allait-elle encore rester là? Deux jours plus tard, un matin, elle avait disparu comme elle était apparue: dans une prétendue indifférence générale. Si ce n’était un curieux attiré par la promesse de ce qu’elle pouvait contenir et quelques discrets voisins voyeurs. Une tache foncée et humide marquait l’emplacement de la valise sur les pavés de la rue avant de s’estomper et de disparaitre doucement.

 


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