Mean Disposition*

screen-shot-2016-11-05-at-12-15-20-pmL’épisode d’Halloween n’avait pas calmé Josie. Au contraire, elle en voulait encore plus à Chris et à Zoltan. C’était de leur faute si elle avait passé la nuit en prison avec des prostituées et des ivrognes. Il fallait qu’elle passe à la vitesse supérieure pour éliminer le Gimme Shelter. Mais le Très Haut l’avait abandonnée, si tant est qu’il ne l’ait jamais soutenu. Bien qu’elle ait plus d’un tour dans son sac à malices, pour la première fois depuis plus d’un an, elle était à court d’idée. Il fallait qu’elle trouve. Elle devait trouver. Et elle allait trouver. Elle guettait la moindre idée, tous les sens à l’affût et le cerveau en ébullition. Nerveusement, elle arpentait les rues du quartier. Elle ne parlait plus à personne et sursautait au moindre bruit. Elle semblait encore plus folle qu’à l’accoutumée.

Notre immeuble était devenu étrangement calme. Plus de crises de nerf, plus de pétages de plombs, plus de portes qui claquent. Josie avait même cessé de venir tambouriner à nos portes à n’importe qu’elle heure du jour et de la nuit. Nous la pensions malade ou la soupçonnions d’être en train d’ourdir un plan démoniaque de sa fabrication. Il nous était inconcevable de croire qu’elle ait pu se calmer volontairement car cela aurait sous-entendu qu’elle aurait enfin admis être allée trop loin.

Sa porte restait désormais fermée. Une odeur de cire chaude, d’encens et d’herbes s’échappait par le trou de la serrure. J’avais remarqué qu’elle n’ouvrait plus ses volets. Et un matin, comme je le croisais dans la rue, l’abbé Plundapetti s’enquérait de la santé de ma voisine qu’il n’avait plus vue depuis longtemps à l’église. Je ne savais que lui répondre. Personne ne savait. Même dans les commerces du quartier, on ne l’avait guère vu ces derniers temps.

Et puis, un soir après avoir descendu les poubelles, Le Viking (j’avais mal au dos et il a voulu m’aider) m’a rapporté des trouvailles: des restes de bougies blanches et noires criblées de trous, des rubans et des bouts de papier calcinés, ainsi que des récipients noircis de souffre. Nous étions plantés comme deux cons autour de la table basse du salon à contempler ces restes macabres

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  • «Sorcellerie! Elle jette un sort ou invoque les esprits. Il y a là tout ce qu’il faut et les pattes de poulet indiquent que Josie ne s’adonne pas à la magie blanche.»
  • «Arrête! Elle a dû désosser un poulet. Tes histoires de vampires et de vaudou te montent à la tête.»
  • «Et les bougies criblées de trous faits par des aiguilles. Et les rubans. Tu en fais quoi?»
  • «Tu extrapoles. Les rubans étaient peut-être décoratifs et maintenus sur les bougies par des aiguilles.»
  • «Les rubans sont utilisés pour lier les sorts et les invocations écrits sur du papier de soie, dont tu as trouvé des restes. De plus elle semble avoir réalisé des sortilèges en brûlant des herbes dans ces récipients. Je te dis qu’il s’agit de magie noire. Il n’y a aucun doute là-dessus. Tu crois en toutes les théories de conspiration qui sortent et ça, tu n’y crois pas alors que les preuves sont là ?!?»
  • «La magie, qu’elle soit blanche ou noire, est beaucoup plus complexe que cela.»
  • «Mais je n’ai jamais dit que Josie était une grande magicienne. Elle a dû acheter un de ces bouquins bons marché de supermarché qui donnent l’impression aux quidams crédules de pouvoir partager des secrets ancestraux qui vont leur apporter le bonheur ou la satisfaction. C’est une sorte de conspiration commerciale, tu devrais comprendre.»
  • «Mais je comprends tout à fait. En attendant, tout ce qu’elle risque d’obtenir c’est de mettre le feu à l’immeuble. Ah ça, l’enfer va venir lui lécher les fesses!»
  • «Et les miennes avec. Au moins pendant ce temps là, nous avons la paix. C’est dommage pour les poulets, mais ne nous plaignons pas. Et au fait, tant que nous ne sommes pas sûrs qu’elle n’a pas arrêté ces pratiques, le matou est interdit de sorties.»

Depuis cette découverte, j’étais inquiète. Je craignais plus un incendie que d’éventuels démons, zombies ou fantômes qu’elle pouvait invoquer. Si comme je le pensais, Josie pratiquait une forme de vaudou, elle allait utiliser du rhum. Je m’imaginais rentrant du travail, trouvant des camions de pompiers devant notre domicile calciné. Les sapeurs sortant le corps carbonisé de Josie des décombres de ce qui avait été notre foyer. La moindre odeur de braises émanant d’un barbecue en été me faisait tressaillir.

J’étais à bout. Je m’en suis confiée à Frank. Lui, le premier, avait utilisé le terme de harcèlement pour qualifier ce que Josie nous faisait, sciemment ou non, subir à depuis notre emménagement. Mon ami l’avait surnommé la folle dangereuse. Il la pensait imprévisible et capable de tout sans aucun discernement. Les preuves ne manquaient d’ailleurs pas pour attester de ce comportement. Pour lui, Josie ne devrait pas être laissée livrée à elle-même sans un sévère accompagnement psychologique. Il nous fallait trouver une solution pour la dissuader de pour suivre ses expériences vaudou.

*Mean Disposition est un titre de l’album Voodoo Lounge des Rolling Stones

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