Ménage et espionnage

Screen Shot 2016-07-08 at 11.35.06 AMObsédée du balai, Josie s’occupait de nettoyer les espaces communs de notre maison. Nous lui étions tous reconnaissants de s’acquitter de cette tâche à notre place. Mais avec Josie rien ne se passe jamais comme prévu.

Josie se plaignait sans cesse du moindre bruit. Quelqu’un écoutait la radio trop fort, les enfants criaient trop fort sur le chemin de l’école, le chauffeur de taxi claquait trop fort les portières de son véhicule, les oiseaux piaillaient trop fort pendant sa sieste, les effusions d’un couple d’amoureux l’empêchaient d’entendre les dialogues de sa série préférée… sans parler du café d’à côté.

Mais le dimanche soir, quand le quartier était plongé dans le calme dont elle rêvait toute la semaine, Josie se réveillait. Quand elle ne trouvait pas quelqu’un à invectiver violemment dans la rue et briser le calme, l’envie lui prenait de faire le ménage. En général, c’était après 8 heures du soir quand tout le monde savourait de derniers instants de répit avant de reprendre le travail le lendemain. Cela avait le don d’exaspérer les habitants de notre maison et certains voisins.

L’un d’entre-eux, plus courageux, le lui a fait remarquer. Depuis, elle fait le ménage le vendredi soir… quand tout le monde veut se reposer au calme après une intense semaine de travail, de stress et de nuits bien trop courtes.

Elle qui, à de ce que nous avions appris par les anciens du quartier n’avait jamais voulu travailler, commence par passer l’aspirateur dans la cour pendant de longues minutes – un balais ne faisant pas assez de bruit -, puis elle passe à l’intérieur de la maison. Elle progresse dans les étages en prenant bien soin de cogner le balai de l’aspirateur contre les plaintes et les contre-marches. Nous pouvions nous avouer contents quand le lourd aspirateur ne basculait pas et ne dévalait pas à grand fracas les marches de l’escalier. Ce qui était le cas une fois sur quatre. Tout bien épousseté, elle lessivait le sol en prenant bien soin de toujours bien cogner la raclette contre les plaintes et les contre-marches.

Pourquoi ne faisait-elle pas le ménage en journée quand nous étions tous au travail? Personne n’a jamais osé lui poser la question.

L’indice est dans la poubelle

Josie s’occupait également de sortir les poubelles et cela lui conférait une certaine autorité quant à leur contenu. Régulièrement, elle les fouillait et nous retrouvions collés sur nos portes des bouts de papier reprenant les éléments qui n’auraient pas dû, selon elle, se trouver dans nos sacs poubelle: des mégots de cigarettes, des carton de pizza qui auraient dû être portés au conteneur de recyclage des vieux papiers, une vieille chaussette trouée, un pot de yaourt, des fleurs fanées, un catalogue publicitaire ou une boîte de conserve.

Elle éventrait nos sacs et les foulait tel un paparazzo en mal de scoop. Nous avons tenté de lui faire comprendre qu’il s’agissait d’une attaque à nos vies privées, mais, comme d’habitude, elle ne voulait rien entendre. Elle avait même contacté la décharge pour demander à quelle poubelle étaient destinés les couches et les préservatifs usagés. Son harcèlement nous poursuivait jusque dans nos déchets.

Quand un voisin lui a demandé que faire des mégots de cigarette, elle lui a suggéré de s’en servir pour rembourrer des coussins ou pour en faire des poufs. Quand une voisine l’a interrogée quant à ce qu’il fallait faire des préservatifs usagés, Josie lui a répondu que si elle ne changeait pas de mec comme de slip, elle n’aurait pas à lui pose cette question. Elle avait ensuite traité de grosses feignasses les mangeurs de pizza qui n’étaient trop paresseux pour cuisiner eux-mêmes et avait fait remarquer à Frank, notre voisin de terrasse homosexuel qu’il dépensait bien trop d’argent en soins divers pour le résultat obtenu…

Remarque qui induisait qu’elle disséquait aussi les extraits de banque et reçus de carte de crédit que nous jetions innocemment à la poubelle.

Comme elle ne comprenait pas plus la notion de vie privée dans les poubelles que dans les appartements ou dans la rue, nous avons acheté dix kilos de vers dans une animalerie et les avons répartis dans nos sachets poubelle. Un soir, nous l’avons entendue pousser un cri de dégoût. C’était la veille du jour de collecte des déchets…

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