Carton rouge pour Josie Maboul

IMG_4321 Josie Maboul n’aimait pas le football. Elle était du genre à percer les ballons des enfants qui jouaient dans la rue ou à envoyer les ballons d’un coup de pied mal assuré dans la rivière toute proche. C’était de bonne guerre, songeait-elle; les enfants l’empêchaient de se reposer et puis, à Halloween, ils l’avaient traitée de sorcière.

Plus encore que les ballons, elle détestait les drapeaux qui pendaient aux fenêtres de tous les immeubles de la rue et l’empêchaient de faire abstraction qu’on était en période de compétition internationale. Qu’elle aille au supermarché, à la librairie ou qu’elle allume son téléviseur ou sa radio, absolument tout le lui rappelait depuis des semaines déjà.

Depuis que la compétition avait débuté, elle estimait ne pas avoir un instant de répit. Attablée à dans sa cuisine ou installée dans son fauteuil à tricoter, elle sursautait régulièrement en entendant les cris de ses supporters de voisins à chaque fois que leur équipe marquait un but ou qu’une action dangereuse se passait dans leur surface de réparation. Sans parler des voitures qui passaient en klaxonnant pour célébrer des victoires…

Heureusement, se disait-elle, le Gimme Shelter n’organisait pas de retransmissions des matchs ou de soirées football. Ce qui faisait un peu remonter le patron dans son estime. Notre voisine attendait donc avec impatience le soir de la finale pour être débarrassée de la compétition jusqu’à la prochaine. Et continuait en attendant de s’interroger comment onze – pas toujours – fringants jeunes hommes qui courraient après un ballon pouvaient attirer les foules au point que certains se battaient même au sang pour supporter leur équipe.

A part pour le chant – avant qu’on la décourage -, Josie Maboul n’avait jamais ressenti de ferveur ou de passion. Pas même le besoin de rechercher le plaisir ou d’en ressentir. L’amusement lui était inaccessible, nous semblait-il. Mais si tel était le cas, pourquoi semblait-elle prendre un tel malin plaisir à empêcher quiconque entrait dans notre quartier d’en prendre? Sans doute un psychiatre saurait nous l’expliquer mais nous n’en avions pas sous la main.

La Coupe du monde des empêcheuses de tourner en rond

Deux jours avant le coup d’envoi d’un Euro de football, les drapeaux des équipes participantes commençaient à pavoiser les façades des maisons de notre rue. Les voisins affichaient la couleur et se chahutaient gentiment quant au choix d’équipe soutenue. Parfois avant les matchs entre équipes rivales, les commentaires volaient au niveau de la pelouse. Certains se prenaient pour l’entraineur de leur équipe favorite ou commentaient les choix d’arbitrage. Une joyeuse pagaille animait le quartier plus que d’ordinaire.

Josie Maboul observait cette animation d’un mauvais œil à peine cachée derrière ses rideaux en dentelle. Bientôt quand leurs équipes seraient sélectionnées, ils allaient sortir dans les rues et célébrer les victoires en brayant puis ils iraient klaxonner leur joie à travers toute la ville. Josie qui tenait à la qualité de son sommeil redoutait ces soirs de matchs. Lors de la dernière Coupe du monde, elle avait écrit à la mairie pour faire interdire l’affichage de drapeaux qui n’étaient pas celui de notre pays, mais le maire l’avait juste encouragé à faire preuve de tolérance pendant la durée de la compétition.

C’était mal connaître Josie ! Du coup, elle avait appelé la police au rythme des buts qui tombaient jusqu’au soir de la finale. Ma voisine avait bien l’intention de gagner le match qui l’opposait aux amateurs de football. Et cette année encore, elle comptait bien remporter la coupe du monde des empêcheuses de dribbler en rond.

Comme elle ne pouvait pas faire annuler toute la compétition sportive, Josie Maboul était obligée de trouver un autre moyen pour obtenir le calme, au moins dans le quartier.

Si elle avait mal entamé la première mi-temps faute d’anticipation, elle allait passer à l’offensive pour remporter le match en deuxième mi-temps. Elle allait remonter le terrain et par là, elle entendait faire ce qu’elle maîtrisait le mieux: énerver le quartier!

Josie 0 : quartier 1
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Son plan était simple: dans le quartier, il y avait les supporters de l’équipe nationale et ceux de l’équipe du pays voisin. L’équipe nationale était donnée favorite Josie n’avait qu’à attendre qu’elle gagne un match et que les supporters du quartiers célèbrent cette victoire pour prévenir la police en se faisant passer pour un supporter de l’équipe adverse.

Josie 1 : quartier 0!

Elle reproduirait ensuite la même tactique avec les supporters de l’équipe du pays voisin.

Josie 2 : quartier : 0!

Josie espérait qu’ainsi les deux camps finiraient par s’affronter en combat de rue. Elle n’aurait alors plus qu’à prévenir une dernière fois la police pour que ses supporters de voisins soient contraints au calme et au silence jusqu’à la fin de la compétition.

Josie 3 : quartier 0!

Malheureusement pour Josie, les policiers étaient, eux-aussi, fans de football. Egalité, balle au centre! Plutôt que de distribuer des cartons rouges aux supporters, ils décidèrent d’aller régler ce différent sur le terrain de football du quartier en organisant un match amical. Pas rancuniers, les supporters des deux équipes se sont réconciliés autour du ballon rond et depuis, peu importe quelle équipe remportait un match, un championnat ou une compétition internationale, ils fêtaient ensemble au plus grand désespoir de Josie qui se retrouvait une fois de plus hors-jeu.

 

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