Josie La Bavure et le barbouze

DSC_0679Rira bien qui rira le dernier, se disait Josie en se frottant les mains. Et elle était certaine de bien rigoler. Sur Internet, elle avait débusqué un barbouze prêt à tout pour arrondir des fins de mois difficiles. Sur son curriculum vitae, le bonhomme disait avoir assassiné Elvis Prestley sur ses toilettes. Eliminer un patron de bar serait un jeu d’enfant pour ce génialissime truand qui avait réussi à s’introduire dans les WC du King.

Ah, ah, l’entourage de la star avait menti au monde entier en cachant l’assassinat. Le truand, dont le nom était Fred Qockard, était devenu aux yeux de Josie, un génie incompris, tout comme elle, alors qu’il était promis à un grand avenir dans le crime. La gueule burinée et défoncée de Qockard émouvait notre voisine. Confronté à la situation peu enviable de Josie et à la grosse liasse de billets qu’elle lui agitait sous le nez, Qockard a finalement accepté de régler son compte à Chris, le patron de bar, qui ne se doutait absolument pas de ce qui se tramait à côté de chez lui.

  • «J’ai compris pourquoi Josie est sur un petit nuage et qu’elle rigole pas mal ces derniers temps», me titille mon homme, «Elle a un mec!»
  • «Un mec !?! J’y crois pas !»
  • «Si, si! Je l’ai croisé plusieurs fois avec lui cette semaine, mais j’attendais d’être certain avant de balancer la bombe»
  • «Et alors, il est bien? A quoi y ressemble? Il est jeune ou vieux? Dis, dis…»
  • «C’est une espèce de grosse brute genre second rôle dans les films de mafieux ou camionneur à calendrier de filles à poil. Il est pas très beau et il a pas franchement l’air vif.»
  • «S’il l’a rend heureuse, tant mieux.»
  • «N’empêche, je ne m’étais pas trompé en disant qu’un bon coup de reins lui ferait du bien!»
  • «Le pauvre gars! Je ne préfère même pas l’imaginer.»

Les deux mauvaises langues du dernier étage ne se doutaient pas que la joie de vivre de Josie venait de la perspective d’éliminer définitivement un problème bien particulier. Qockard devait trancher la gorge de Chris le cafetier, le soir après la fermeture alors qu’il sortait ses poubelles. Ainsi, ni vu, ni connu, je t’embrouille: il aurait trébuché sur un tesson de bouteille…

On n’est jamais mieux servi que par soi même

Josie lévitait presque à l’idée que Chris soit saigné comme un goret. Par contre, dans son esprit malade, elle avait oublié que le café appartenant à une brasserie, son gérant mort serait remplacé par un gérant bien vivant. Bref, son acte, s’il aboutissait, serait parfaitement inutile.

Sauf que Josie ne devait pas léviter longtemps. Ce naze de Qockard a raté son coup. En s’approchant de Chris, il a buté dans une caisse de bouteilles et en deux prises de combat apprises lors de son service dans l’armée, notre cafetier a mis le tueur raté hors d’état de nuire. Le lourdaud était étalé de tout son long face contre terre. Une fois qu’il a repris ses esprits, il a pris la fuite sans demander son reste.

On ne l’a plus jamais revu dans le quartier. Josie a recommencé à refaire la gueule. Chris se demande toujours qui était ce mystérieux agresseur et ce qu’il cherchait. L’homme et moi, nous sommes demandés où était passé le petit ami de Josie. Le bougre n’avait pas tenu le coup bien longtemps.

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