Josie dans la brume

  • IMG_2022«Vous comptiez sortir ce soir ?», m’a apostrophé Josie un vendredi à midi alors que je partais travailler.
  • «Pourquoi ?», je tombais des nues. Josie surveillait vraiment le moindre de nos mouvements.
  • «Ce soir, je vais faire du bruit», me répondit-elle triomphante. «Je vais mettre la musique à fond chez moi et j’ai acheté des cornes de brumes comme on en voit dans les stades de football »
  • «???» je restais coite. La mâchoire m’en tombait et m’empêchait d’articuler un nouveau «Pourquoi ?».
  • «Si le café peut faire du bruit, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas en faire aussi.»
  • «Mais surtout, ne te gêne pas. Saches seulement que si je rentre ce soir et que j’entends le moindre bruit venant de chez toi, je n’hésiterai pas à prévenir la police.»

La voilà prévenue. Je quittais le hall d’entrée que Josie balayait, après qu’elle ait prétendu mordicus avoir la preuve noir sur blanc des concerts organisés, selon elle, par Chris les jeudis soirs. Elle l’avait lu dans le guide des spectacles. «Si comme toi, j’avais le temps d’occuper mes journées à chercher comment emmerder mon monde, je compulserai le guide du début à la fin pour te prouver que tu as tord. » Sur ces mots, je claquais la porte et gagnait d’un pas nerveux ma voiture stationnée en contre-bas. Elle allait me rendre folle.

Le soir même, j’attendais dans mon plus beau pyjama que mon infernale voisine mette ses plans à exécution. Ce n’est pas parce que j’avais décidé d’endosser le rôle de voisine dormeuse et épuisée, balafrée par des marques d’oreillers, que je devais avoir l’air d’une épave devant les agents de police que j’espérais ne pas trouver devant notre porte… Pourtant, nul besoin de les appeler. Je me suis endormie au fond du canapé. Josie n’a pas tenu ses promesses. Le lendemain non plus d’ailleurs, ni les jours qui ont suivi…

Bruit ou pas bruit, son but était atteint: me faire passer des soirées exécrables à me demander si oui ou non j’allais devoir m’énerver. Psycho killer qu’est-ce que c’est ? Une voisine comme Josie Maboul.

Le doute l’habite

Dans la semaine qui a suivi, Josie est venue sonner à notre porte un soir, tard. J’ai fini par lever mes fesses de mon fauteuil pour aller lui ouvrir la porte et la refermer aussi vite derrière moi. Je savais que depuis mon emménagement dans l’appartement, elle ne rêvait que d’une chose: y rentrer pour fouiner. Je m’employais donc à ne jamais lui laisser entrevoir le moindre centimètre carré de mon home sweet home et je m’entretenions toujours avec elle sur le palier ou en passant la tête dans l’entre-baillement de la porte.

Elle voulait savoir si le café allait fermer. Je lui ai dit que je n’en savais rien et je lui ai demandé d’où elle tenait ça. De la rue, me répondit-elle, même si je parie qu’elle a lancée elle-même cette rumeur. Elle prêche souvent le faux pour savoir le vrai. Elle ajoutait qu’il se murmurait que si le café fermait, c’était de sa faute. Mais elle avait l’habitude, poursuivit-elle, car à chaque fois que quelque chose se passe mal dans le quartier ce serait de sa faute…

Elle avait appelé la police tous les soirs, certains même trois fois, elle avait fait remonter cette affaire jusqu’aux autorités communales, elle avait fait fuir la clientèle en la prenant en photo, en l’insultant, en crevant des pneus, elle avait calomnié le Gimme Shelter et tenté de lever une armée d’opposants, mais elle ne comprenait pas pourquoi les gens spéculaient sur sa responsabilité dans une éventuelle fermeture du café!

Josie m’étonnera toujours! Josie comprenait vite, mais il fallait lui expliquer souvent.

2 commentaires

  1. AlainC76 · mai 27, 2016

    J’adore. Je vais me prendre le temps pour lires toutes ces aventures!