Le bruit et la fureur

IMG_3279Les excentricités de Josie remontaient à bien avant mon arrivée dans le quartier. Parmi les habitants, deux camps s’étaient formés. Il y avait ceux qu’elle énervait franchement et les autres qui faisaient preuve de plus de détachement. Mais gare à qui discutait trop bruyamment sous ses fenêtres et ce, à n’importe qu’elle heure du jour et de la nuit. Elle les gratifiait d’un chapelet d’insultes et de noms d’oiseaux exotiques que lui aurait envié le capitaine Haddock. On l’entendait dans tout le quartier, quand elle ne prévenait pas carrément la police. A force, les fenêtres de son salon étaient devenues le lieu de rassemblement de tout le quartier pour discuter…

Moi même, j’ai fait les frais de son allergie au bruit qu’elle ne génère pas elle-même, à plusieurs reprises. J’avais rencontré ce garçon. Il m’avait raccompagné jusque devant chez moi après notre troisième soirée passée ensemble et s’était penché vers moi pour m’embrasser. Alors que nous étions tendrement enlacés sous le porche d’entrée de l’immeuble, j’ai entendu une fenêtre s’ouvrir. C’était Josie qui nous demandait d’être plus calmes. Comment être plus calme qu’avec la langue de l’autre dans sa bouche? Franchement!

Gênée et confuse de cette intrusion dans ma vie privée, j’expliquais à l’Homme le cas de ma voisine légèrement obsédée par le bruit, mais pas seulement. Ce qui ne l’empêchait pas, soit dit en passant, de passer l’aspirateur dans les communs après onze heures du soir. Bref. Homme et moi avions repris de plus belle nos échanges, quand j’ai perçu un grésillement dans l’interphone. Ma parole, Josie Maboul nous écoutait! Je le fis remarquer à mon chevalier servant. Prise sur le fait, le grésillement cessa… pour reprendre cinq minutes plus tard alors que nous n’y pensions déjà plus. Ni une, ni deux, sans nous être consultés au préalable, nous nous sommes mis à simuler un long et bruyant orgasme dans le haut-parleur avant de nous étouffer de rire.

Telle est prise qui croyait prendre

Lendemain, quand je l’ai croisée dans le couloir et ai abordé son indiscrétion de la veille, elle m’a répondu qu’elle surveillait mes fréquentations. C’est qu’une jeune femme seule dans une grande ville est une proie facile et patati et patata. Bref, tout pour se dédouaner, avoir le beau rôle et vous faire passer pour la mauvaise et la dévergondée de l’histoire.

A part ça, elle surveillait tellement bien mes fréquentations qu’elle a pris mon frère et mon meilleur ami pour des cambrioleurs et a averti la police.

Je fêtais mon anniversaire au bar avec quelques amis et mon frère. Au cours de la soirée, alors que l’établissement voisin où nous fêtions se remplissait de plus en plus, je confiais les clés de mon appartement à mon frère et à mon meilleur ami et les chargeais d’y transporter certains des présents que l’on m’avait offerts.

Les deux garçons se sont exécutés. Un habitué du bar est arrivé et m’a dit qu’il avait vu des policiers rentrer dans mon immeuble. Je plantais tout le monde sur place pour aller voir ce qui pouvait bien se passer. Je trouvais mon frère et mon meilleur ami en train d’expliquer aux agents leur présence en ces lieux. Non, ils n’étaient pas des cambrioleurs. Pour prouver leur bonne foi, ils montrèrent les clés, D’ailleurs les agents avaient-ils déjà vus des voleurs qui entrent chez les gens les mains pleines et en sortent les mains vides?

Fidèle au poste, Josie avait été aux aguets. Encore une fois rien moyen de lui faire entendre: mon frère et mon meilleur ami auraient très bien pu être de vrais cambrioleurs et je devrais la remercier de veiller aussi bien aux intérêts de la communauté. Intraitable Josie!

Que pouvions-nous faire contre ses intrusions dans nos vies privées ? Un voisin écœuré en était même arrivé à se promener nu dans son appartement. Dommage qu’il ait déménagé celui-là. La lance de notre hidalgo devait être la première qu’elle voyait depuis très longtemps, sinon jamais.

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