Isabel Marant pour H&M: les pompes de la discorde

Dans une vie précédente, entre autres articles de fond liés à l’actualité, il m’est arrivé d’écrire des chroniques. Je voulais vous faire partager une de mes préférées. Retrouvez l’article original sur le site de wort.lu.

Isabel Marant est, depuis des années, mon designer préféré. Souvent j’ai fait chauffer ma carte de crédit pour m’offrir une jupe, un robe, un t-shirt… Mon Graal restant ses bottes à franges. Alors, Isabel Marant chez H&M, je ne pouvais pas rater ça. Je m’en souviendrai….

Photo: Sophie Kieffer

J’ai pris congé un mois avant la date fatidique et compulsé le catalogue pour cibler mes achats afin d’optimiser au maximum mon efficacité dans la cohue du jour J. Ce sera donc une robe au genou et les escarpins cloutés! Les bottes ont été très mal copiées. Certaines autres fringues aussi d’ailleurs. Enfin bref!

Jeudi matin à 8h40, en mini-jupe et pull Isabel Marant Etoile, je prends place dans la file qui dégouline rue Philippe II. Vingt minutes plus tard, la foire à l’empoigne peut enfin commencer. Un homme n’aurait pas tenu le coup deux minutes dans cette hystérie concentrée. Je repère ma première proie: une boîte d’escarpins. Je brave la foule de fashionistas en folie pour la tirer de l’étagère où elle reposait sans la quitter des yeux. Première mission accomplie!

Maintenant direction la robe. J’en prends deux dans des tailles différentes et je me dirige vers les cabines d’essayage. Dans dix minutes tout au plus, je retrouverai le calme de la rue. La robe me va et les escarpins aussi, a priori, car il n’y en a qu’un dans la boîte. Un prince charmant va-t-il me rapporter l’autre? Nenni!

Cendrillon a failli ne pas aller au bal

Une dame à l’autre bout de la pièce – entre-temps pillée de tout son contenu – tenait mon précieux dans ses mains. Je m’approche d’elle et lui explique que „nous allons avoir un problème, j’ai une chaussure et vous avez la deuxième. Comment pouvons-nous nous arranger?“

Pas du tout visiblement. La dame n’était pas prête à lâcher l’escarpin et voulait – c’est de bonne guerre – que je lui cède le mien. Hors de question. Je lui explique que nous allons avoir une sacrée démarche à boitiller sur notre unique escarpin. Cela ne la fait pas rire. Nous ne devons pas avoir le même humour.

Changement de stratégie: j’opte pour la raison. „Madame, j’ai la boîte et le deuxième escarpin qui contrairement au votre a une étiquette de prix, alors s’il vous plaît, donnez-moi cette chaussure!“ Je commence à perdre patience. Après m’avoir accusée de l’avoir insultée et d’avoir été malpolie, elle a embarqué l’escarpin dans sa besace et a disparu.

N’étant pas du genre à baisser les bras en général et encore moins quand on me provoque, je décide coûte-que-coûte de récupérer la pompe de la discorde. Première étape: me renseigner à la caisse et payer ma robe. De sympathiques hôtesses me rassurent: „L’autre dame ne pourra passer à la caisse avec une seule chaussure. Vous avez la boîte et la chaussure étiquetée, la paire est à vous.“

Deuxième étape: prendre mon mal en patience et attendre qu’elle passe à la caisse. La dame voulait m’avoir à l’usure, c’était mal me connaître. En plus, je n’étais absolument pas pressée et, en bonne festivalière, j’étais rompue à l’exercice de l’attente debout. Et je voulais ces chaussures…

La dame finira bien par pointer le bout de mon escarpin

Troisième étape: pister la dame qui finira bien par pointer le bout de mon escarpin. Plusieurs responsables du magasin viennent s’inquiéter de mon sort et proposent de noter mon numéro de téléphone. Quand soudain, après plus d’une heure d’attente, la dame me passe sous le nez, comme si de rien n’était.

Ni une, ni deux, je préviens une responsable et j’alpague la dame tout en luttant entre une vague d’optimisme – j’allais récupérer ma chaussure – et une bouffée de nervosité que je devais à tout prix réprimer. La dame refuse toujours de me rendre la chaussure.

Beaucoup de mauvaise foi plus tard, je récupère enfin mon escarpin qui va rejoindre l’autre dans sa boîte. Endroit où il aurait dû se trouver depuis le début. Ce qui nous aurait épargné beaucoup de futilités.

Mes escarpins et moi allons vivre heureux et accumuler les bons moments.

Sophie Kieffer


Retrouvez l’article original sur le site de wort.lu.

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