Bonnes résolutions!

screen-shot-2016-12-30-at-6-26-13-pmPendant un an, je n’avais pas osé mettre les pieds au Gimme Shelter, le bar d’à côté, qui m’avait au demeurant l’air bien sympathique. Je me contentais de jeter un coup d’œil furtif en passant devant et de refuser toutes les invitations aux soirées et concerts qui y étaient organisés. A l’époque, j’adhérais encore à certaines parties du discours de Josie. Elle affirmait que si nous devions un jour nous plaindre contre le bar pour quelque raison que ce soit, nous n’aurions aucune légitimité à le faire si nous y jouions régulièrement les piliers. Son raisonnement était juste, mais je n’ai finalement plus voulu y adhérer, quand j’ai compris qu’elle nous utilisait, nous discréditait et qu’elle ne nous attirerait que des ennuis. Je décidais de prendre le contre-pied et de montrer que dans la maison nous n’étions pas tous que des vieilles folles. En bonne diplomate, je cherchais à m’épargner les dommages collatéraux.

Au début, je me rendais discrètement au bar. Je gardais mes clés de voiture en mains et je boutonnais un manteau totalement superflu, juste pour faire diversion au cas où je la croiserais. Je craignais qu’elle ne m’en veuille et qu’elle ne décide de m’en faire baver. Je descendais les escaliers sur la pointe des pieds, je fermais les portes avec douceur. Une fois dehors, je bondissais telle une chatte du porche au bar pour éviter qu’elle ne me voie y entrer. Même chose en sens inverse. Le tout dans le plus grand silence.

Un soir, alors que je m’apprêtais à quitter le bar, un des clients m’a dit de ne pas faire trop de bruit en sortant si je ne voulais pas que la voisine appelle les flics pour venir me botter les fesses. Même les clients, comme je devais m’en rendre compte à plusieurs reprises par la suite, connaissaient le phénomène. Elle en avait déjà apostrophé quelques uns. Les plus chanceux s’en tiraient avec une remarque acerbe, les autres devaient réceptionner des flots d’injures, voire des chapelets de propos hystériques et incohérents.

Bref, au bar, tout le monde la connaissait. Elle était devenue une légende pour tous ceux qui ne l’avaient encore jamais vue. «Ah bon, tu connais Josie!?! J’ai un ami qui l’a croisée l’autre soir. Il paraît qu’elle engueulait un pauvre gars qui s’était mal garé.» «Ben, elle nous a menacés avec des ciseaux, alors… » «Avec des ciseaux! Il paraît qu’elle crève les pneus des voitures?» Chacun y allait de son commentaire et pour avoir le plaisir de la voir râler à sa fenêtre, certains allaient sonner à l’interphone en quittant le bar.

C’était d’ailleurs devenu une tradition depuis un fameux soir de Nouvel An. Les clients sont tous passés, à un moment ou à un autre, sonner pour lui souhaiter la bonne année. Elle n’a pas apprécié du tout, il paraît. Comme à son habitude, elle a appelé la police. Toute la nuit. A bloquer le standard et les appels vraiment urgents et importants.

La remarque lui avait été faite par le policier de garde ce soir-là, comme elle me l’a rapporté le lendemain. Comme souvent, nous nous étions croisées dans la cage d’escaliers. Elle avait encore moins l’air en forme que d’habitude. Je me fendais de vœux pour la forme et par politesse. Ce qui lui a permis de rebondir et de m’entraîner dans une discussion dont je me serais bien passée.

  • «Bonne et heureuse nouvelle année ! Que tes vœux se réalisent !»
  • «Si j’avais le choix, je souhaiterais que le bar d’à côté ferme», me dit-elle.
  • «Je m’en doutais un peu !»
  • «Tu crois? J’arriverai à le faire fermer, tu verras. Parce que je n’en peux plus. Pour la Saint-Sylvestre ça a été le summum. Jusqu’à 6 heures du matin. Pas moyen de dormir. En plus, les clients sont venus sonner à ma porte toute la nuit. C’est de la provocation!»
  • «Tu peux bien faire un effort un soir par an, non? Et comprendre que les gens ont envie de s’amuser. »
  • «Dans l’illégalité totale?»
  • « Ce soir-là, les bars ont droit à la nuit blanche. En ce qui concerne l’attitude des clients, je ne la cautionne pas, puisque nous en faisons tous les frais, mais tu es devenue une légende au bar. Tout le monde rêve de croiser la voisine chiante.»
  • «Et ma qualité de vie alors? Nous sommes dans un quartier résidentiel. »
  • «Fais comme ma grand-mère le soir de la Saint-Sylvestre: deux somnifères, une coupe de champagne ou deux, des boules Quièz et au lit. Elle se réveille comme un charme le lendemain. Toute fraiche pour débuter la nouvelle année.»
  • «En plus, on ne peut même plus compter sur la police… Tu sais ce que l’agent de garde a eu le culot de me dire? Il m’a dit que je devais arrêter d’emmerder tout le monde à longueur de journée.»
  • «Tu la tiens ta résolution de nouvelle année: moins emmerder les gens pour n’importe quoi en 2017. Et pour moi, ça commence maintenant. Allez bonne année!»

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