Je vous ai déjà parlé du parasol de Josie Maboul. Cette pauvre chose qui passe sa vie dehors qu’il pleuve ou qu’il vente, été comme hiver, pour cacher un fatras d’objets abîmés et qui me nargue involontairement chaque matin quand j’ouvre mes volets et chaque soir quand je les ferme. Ce parasol, je l’ai voué aux gémonies plus d’une fois, mais il est toujours là, planté bien droit au milieu de la cour et surtout bien crade.
En soi, le parasol ne me dérangeait pas. Il cachait bien le bordel de Josie. Ce qui me dérangeait, c’est qu’à force d’être à l’extérieur par tous les temps, il était devenu laid, sale, rouillé. Sa toile s’affaissait, des taches de rouille s’étaient formées le long des baleines et la crasse s’accumulait des bords vers le centre. Bref, il m’arrivait certains jours, à grands regrets, de me croire chez les romanichels. Jamais Josie ne se débarrasserait de son vieux parasol.
Je le faisais justement remarquer au Viking, un jour où nous prenions l’apéritif sur ma terrasse. Le parasol était devenu une verrue dans l’agréable paysage qu’offrait notre cour intérieure avec sa glycine et ses rhododendrons. Si seulement un coup de vent suffisamment puissant pouvait le porter vers une retraite amplement méritée.
Il ne faut jamais dire jamais
Deux jours plus tard, je me réveillais doucement sachant que je n’avais pas à me dépêcher d’aller travailler puisque c’était le premier jour de mes congés d’été. Dans un réflexe conditionné j’ouvrais mes volets, puis allais dans ma salle de bains. Je me faisais couler un bain et commençais à me laver les dents tout en grattant ma tignasse de sauvageonne avec ma main restée libre. Quelque chose clochait, je le sentais, mais mon cerveau pas encore réveillé refusait de me dire quoi. Brosse à dents en bouche, je jetais des regards circulaires à travers mon appartement pour tenter de trouver ce qui avait changé dans mon environnement. Tout était à sa place. J’avais dû me tromper. Bon! J’attrapais un roman policier dont l’action se déroulait en Mongolie et me plongeais dans ma baignoire.
Cent pages plus tard, je sortais de mon court-bouillon parfumé au jasmin et me dirigeais vers la fenêtre qui donnait sur la cour pour l’ouvrir. Je n’avais pas encore posé la main sur la poignée que je vis ce qui m’avait perturbé une heure plus tôt : le parasol avait disparu !
Josie m’avait-elle entendue ? Ou avait-elle elle-même réalisé que son parasol avait fait son temps ? Peu importait, il n’était plus là. La surprise devait se lire sur mon visage. Mais comme avec Josie, on ne peut jamais se réjouir trop vite, elle l’avait remplacé par un parasol de plage beaucoup plus petit et à rayures colorées d’épaisseurs différentes. Une petite chose minable mais certes neuve qui ne parvenait pas à cacher le fatras accumulé par Josie. Il était à peine plus haut que l’étagère sur laquelle étaient déposés en vrac des torchons grisâtres. J’allais désormais et à mon grand regret devoir m’habituer à cette nouvelle vue.
Le week-end passa et dimanche soir, je rentrais chez moi après une journée passée au soleil. Il faisait chaud dans mon appartement. Je décidais donc de créer un courant d’air pour l’aérer maintenant que la température extérieure était un peu retombée. Par les fenêtres donnant sur la cour, j’apercevais une vieille connaissance : le grand parasol avait repris sa place dans la cour! J’étais presque contente de le revoir. D’autant plus, qu’il avait l’air différent.
C’était bien lui, mais il était presque propre. Josie avait dû profiter du week-end pour le nettoyer. La couleur de la toile était plus claire et les tâches avaient presque toutes disparues. Il s’étendait à nouveau au-dessus du fatras qui semblait lui aussi allégé. Je sentais un sourire s’imprimer sur mon visage.
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