Josie avait été belle. Pas très belle, normale. Une petite rousse toute fraiche et souriante. Pas très maline, ni bien éduquée, mais sa fraicheur compensait cela. Elle n’était déjà pas très équilibrée, mais à l’époque, on mettait ses sautes d’humeur sur le compte de sa jeunesse.
A 15 ans, Josie était tombée amoureuse d’un jeune homme qu’elle voyait passer en vélo tous les jours devant chez ses parents. Elle ne savait pas d’où il venait, ni où il allait et encore moins qui il était, mais tous les matins, qu’il neige, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il fasse soleil, elle l’attendait cachée derrière les rideaux en mousseline du salon. Elle rêvait que son cycliste lui fende une bise, mais jamais elle n’osa sortir pour le voir passer ou lui proposer un café ou une limonade. Elle restait derrière les rideaux, rêveuse et pensive, mordillant ses petits poings serrés par l’émotion.
Un jour pourtant, elle enfourcha le vélo qu’elle avait eu à Noël. Elle portait sa jolie robe blanche des dimanches et un nœud blanc dans sa tignasse rousse. Josie voulait être belle pour devenir la petite reine de son prince charmant. Elle l’a suivi de loin. De si loin qu’elle finit par le perdre. Il pédalait tellement plus rapidement qu’elle. Transpirante et la boucle basse, elle rentra chez elle, poussant son vélo dans le caniveau. Le lendemain, elle était à sa place, derrière les rideaux, quand le jeune homme passa sur son vélo.
Josie était triste, mais bien vite, une idée lui vint: un jour, elle apprendrait à conduire et en voiture, elle pourrait suivre son prince sur chambre à air. Il ne lui restait plus qu’à patienter encore un peu. Elle serrait ses petits poings et sautillait sur place de joie en poussant de petits cris d’excitation à travers son sourire machiavélique. Désormais, elle le regardait passer avec avidité, ses dents mordillant sa lèvre inférieure d’impatience et d’envie.
La roue de l’infortune
Puis le grand jour arriva enfin. Elle avait le rouge aux joues et préparé une tirade. Le petit papier rose dans son sac et les clés de voiture dans le contact de la Suédoise de son père, elle était dans les starting-blocks. Le cœur battant, elle s’en allait à son rendez-vous avec le destin. Elle avait remis sa robe blanche et son ruban. Bientôt elle allait rencontrer son beau jeune homme. Impatiente, elle décida de sortir la voiture du garage pour pouvoir suivre le jeune homme dés qu’il passerait. Mais une fois que les roues arrière ont touché l’asphalte, quelque chose vint rebondir contre l’aile. Josie fut surprise par le bruit. Elle arrêta le moteur et quitta sa place derrière le volant pour voir ce qui s’était mis en travers de sa route. La première chose qu’elle a vue étaient les rayons d’une roue de vélo qui tournait au soleil. Son pouls s’accéléra soudain. Elle n’osa faire le tour de la voiture, de peur de découvrir le pire.
Jamais Josie n’eut la chance de déclarer sa flamme au jeune homme. Le découvrant sans vie, la tête désaxée sur le trottoir, elle a tout juste pu lui déclarer sa flemme.
Son petit cœur se brisa aussi instantanément que la nuque de son amoureux. Inconsolable et par dépit, elle se résolut à épouser un lointain cousin germain de sa mère qui était conducteur de locomotives. Un emploi sûr dans tous les sens du terme, croyait-elle. Sauf qu’avec les années à vivre côte à côte, son pauvre mari avait commencé à regretter d’avoir épousé cette frêle rouquine au regard triste qui l’avait fait chavirer. Il avait aimé la protéger, mais il avait fini par comprendre qu’il pouvait la protéger de tout sauf d’elle-même.
Au fur et à mesure qu’ils avançaient dans le temps, ses névroses la rendaient impossible à vivre et son pauvre conducteur de locomotive ne savait plus quelle voie suivre. Il aurait bien eu besoin d’être aiguillé, mais son entourage se contentait de secouer la tête ou de lever les épaules en disant: «Que veux-tu, elle est folle!» Alors pour ne plus penser que sa rousse crachait le feu, il se mit à écouter les conseils éclairés d’une bouteille de vin. In vino veritas, se disait-il. Puis, de plus en plus perdu, il diversifia ses sources, jusqu’au jour où il eut l’impression de trouver la voie. Il la suivit un instant. Le choc fut terrible.
Des morceaux de son corps ont été retrouvés tout autour de la locomotive. Josie se retrouvait seule à nouveau.
Bon les spéculations sur les lances d’Hidalgo vont bon train. Je note que le chapitre avec « amour » dans l’intitulé mène au hitparade des lecteurs. Et je salue le très bon goût automotif du père de Josée.
Mon premier commentateur! je t’attendais de pied ferme et me demandais qui tu serais. merci roland! surtout n’hésite pas à continuer à commenter et à lire les folles aventures de Josie Maboul. Je suis honoré de te compter parmi mes lecteurs.