Voilà des semaines que je vous dépeins le caractère particulier de ma voisine et que je nourris ce blog de ses excentricités, de ses manières revêches ainsi que d’épisodes de son passé, cependant les fêtes de fin d’année me rendant tendre, j’ai pris la résolution de l’épargner cette semaine et de balayer devant ma propre porte. Je change donc d’angle et deviens ma propre victime. Ceux qui me connaissent bien reconnaîtront certaines des folles aventures que je m’apprête à vous narrer. J’ai dû les leur faire partager, bégayant de rire, autour d’un verre de gin tonic ou d’une pinte de Guinness. Je tiens à préciser que toutes les mésaventures qui vont suivre me sont toujours arrivées alors que j’étais sobre.
En ce moment même, je vous écris depuis mon canapé que je n’ai guère quitté ces derniers jours, si ce n’était pour parcourir péniblement la dizaine de mètres qui le séparent de mon frigo, de mon lit ou de ma salle de bains. On marche très mal avec une entorse du genou et on déguste à chaque fois qu’il faut se lever, s’asseoir ou se coucher. Le pire: entrer et sortir de ma baignoire. Heureusement, mon corps a fini par s’adapter aux conséquences de ma maladresse: il dort. Pendant ce temps-là, il ne ressent ni faim, ni soif, ni autre besoin. Tant mieux, parce que je suis à cours de cigarettes !
Mes meilleurs amis et mes parents me demanderaient, s’ils n’étaient pas déjà au fait de ma mésaventure, ce qui m’est «encore» arrivé. Encore ! Voilà le mot qui blesse. Je ne sais pas si je joue de maladresse, si j’ai deux pieds gauches ou pas de chance, si je veux trop bien faire ou si j’expérimente inconsciemment sur moi-même l’influence de Pierre Richard, Gaston Lagaffe, des Monty Python ou d’autres grands maîtres de l’art de la bouffonnerie et du loufoque, le fait est que j’ai beau avoir peur des clowns (eh oui!), je dois le reconnaître, sous le maquillage du clown blanc se cache une auguste truffe.
Je me suis donc encore une fois blessée. Pas en faisant quelque chose de dangereux ou de périlleux. Non, juste après avoir enfilé mes bottes (plates) le matin de Noël. J’étais assise par terre et alors que je propulsais mon séant en l’air pour me relever, ma cheville a décidé de prendre son indépendance. Mon genou a bien essayé de la rappeler à l’ordre, mais il a fini par craquer. J’ai hurlé ! Comme je ne suis pas une chochotte et que ce n’est pas un petit bobo qui va m’arrêter, je suis partie fêter Noël avec les miens. L’apéro a endormi la douleur, mais après j’ai dégusté.
Je voulais voler comme Superman
A force de me blesser, je pense avoir développé une certaine résistance à la douleur qui me pousse à penser que tant que le mal ne se voit pas, cela ne peut pas être grave. Il faut donc que le sang coule, que mes membres enflent ou bleuissent pour que je m’inquiète. Tenez, il y a trois mois, je me coupais l’index gauche en découpant une baguette. Je vous passe les détails gores (non, le doigt ne tenait pas plus qu’à un tendon !). Sans l’insistance de ma voisine qui a été adorable et serviable, je ne serais pas allée chez le docteur. Il ne m’aurait pas aussi bien recousu le doigt et j’aurais eu une affreuse cicatrice.
Cela me rappelle quand, il y a une douzaine d’années, je me suis planté une lame de rasoir dans le mont de Vénus (la partie charnue de la paume de la main) en nettoyant un four. Aujourd’hui, il ne reste plus aucune trace de cette mésaventure, si ce n’est un léger chatouillement quand le baromètre chute. Je sens même mes dents perdues dans un accident de vélo à l’âge de 13 ans, quand le vent est trop froid en hiver. Je réalise que j’ai vécu plus longtemps sans ces dents qu’avec…
A l’exception de ces dents, je suis entière. Tordue, mais entière. Malgré toutes mes chutes et les coups pris. Gamine, j’avais les genoux peinturlurés de mercurochrome. Une fois, j’avais même fait un vol plané à destination de la collection de cactus de mon arrière-grand-mère. Trois personnes équipées de pinces à épiler et de loupes ont passé plusieurs heures à m’enlever les épines. Je suis tombée cul nu dans les ronces en faisant pipi dans la forêt et, soyons folle, je suis tombée du haut de l’escalier de la maison parce que je voulais voler comme Superman.
Les malheurs de Sophie
Les meubles m’en veulent particulièrement. Surtout à mes orteils et à ma tête. Tout a commencé avec la porte de l’armoire de ma chambre de petite fille qui m’est tombée dessus sans préavis, pour se poursuivre avec l’étagère suédoise au-dessus de ma baignoire. Je m’adonnais à une de mes activités préférées – bouquiner tranquillement dans un bon bain chaud – quand elle m’a assommée. Je suis revenue à moi sous un amas de bois agloméré et de serviettes de bain trempées, avec une bosse et un coquard.
Un soir, quelques années plus tard, alors que je bouquinais sur mon canapé (je bouquine beaucoup), mon dressing – de la même marque suédoise que l’étagère –s’affaissait sur lui-même. Le lendemain, j’entrepris de remonter tous les éléments. Il formait un «U». J’y passais tout l’après-midi. Au moment où – Hallélujah! – je posais le dernier cintre sur le portant central, badaboum, l’infâme s’écroulait sur moi. Je me retrouvais précipitée au sol à ne pas savoir si je devais rire ou pleurer sous un amas d’étagères, de barres de fer et de vêtements.
Je vous garde la meilleure attaque de meuble pour la toute fin de cet inventaire. En attendant, si vous n’êtes pas encore morts de rire, je passe au dossier entorses de la cheville. Ces dernières années, il y en a eu plusieurs. Mises à part les entorses dues au déboîtage (en pleine rue ou dans les escaliers de préférence) de ma rotule, je me suis foulé la cheville en jouant au football l’été dernier et en ratant une marche d’escalier l’hiver précédant. Mais pour qu’une blessure soit drôle et pas uniquement douloureuse, il faut que les éléments se liguent contre le blessé. Comme ce soir de Carnaval. Je le fêtais avec des amis. Nous avons pris l’apéro chez l’une d’entre-elle avant de nous rendre à un bal. Dans l’excitation du moment, l’amie (dont l’identité restera secrète) a claqué la porte de son appartement avant de se rendre compte que ses clés étaient restées à l’intérieur avec tous nos effets personnels, papiers, clés de voiture et de nos domiciles.
Aucun serrurier n’étant disponible, nous décidions d’aller guincher jusqu’au petit matin et de dénicher un homme de métier à une heure plus convenable. Quelques Zizi Coin Coin plus tard, nous sautillions sur «Les lacs du Connemara» quand un gros lourdaud bourré m’a percuté sans ménagement. La musique était tonitruante, mais j’ai pu entendre ma cheville se tordre. La fête était finie pour moi. Mon pied avait triplé de volume et la douleur était de plus en plus forte. Nous avons fini la nuit chez les parents de l’amie tête en l’air. Heureusement qu’ils cachaient une clé sous un pot de fleur!
Police secours
Mes élucubrations de maladroite malchanceuse arrivent à leur terme, mais je vous en dois une petite dernière. Ma préférée. La plus embarrassante. Jeune journaliste, je me démenais pour prouver à mon chef que j’étais tout terrain et opérationnelle quoi qu’il arrive. Je rentrais de reportage et me dépêchais d’aller écrire mon article avant de foncer relever ma prochaine mission quand Boum !, je fus arrêtée dans mon élan par la lourde porte en verre de la rédaction. Elle était toujours ouverte, sauf ce jour-là! Et elle le restera par la suite. Mon nez s’est mis à enfler et un coquard s’est formé autour de mon œil gauche, mais il en fallait plus pour m’arrêter. J’écrivais mon article puis allais aux toilettes cacher la misère avec du maquillage et mes cheveux avant de partir à mon prochain sujet: l’inauguration du nouveau commissariat de police du quartier de la gare de la capitale !
Quand j’arrivais sur les lieux, mes collègues journalistes et les agents de police affectés au commissariat se tenaient en rang d’oignon derrière le ministre de la Justice de l’époque. Ce dernier se tourna vers le porte-parole de la police et lui dit: «Tiens, voici votre première cliente… Ah non, c’est une journaliste!»
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