Josie Maboul avait besoin d’ordre autour d’elle pour maîtriser le désordre qui régnait dans sa tête. Un ordre que comme nous avons eu l’occasion de le vérifier ici à plusieurs reprises, elle avait le plus grand mal à faire appliquer à ses congénères. Aussi quand de nouveaux voisins ont emménagé dans un des appartements du fond de la cour, elle s’est empressée de prendre leur éducation en main avant qu’ils ne prennent de mauvaises habitudes.
Sur la porte de l’appartement du jeune couple, elle avait collé une housse en plastique dans laquelle était glissé un billet rédigé avec soin au porte-plume sur du papier à lettre de qualité. Un traitement de faveur destiné à amadouer nos nouveaux voisins. Nous, les anciens, avions droits à des bouts de papier froissés arrachés à de vieux cahiers déjà griffonnés au verso, des prospectus ou des enveloppes vides sur lesquels elle nous crayonnait d’une écriture nerveuse ses griefs, ses désirs ou ses délires. Cette fois, elle s’était appliquée à faire des phrases entières.
«J’aimerais vous expliquer notre système de gestion des déchets et de recyclage. Nous n’avons pas assez de poubelles grises. Il faut donc recycler les déchets. Les plastiques sont à collecter dans les sacs bleus que vous devez suspendre dans la cave du milieu. Dites-moi quand je peux passer vous expliquer tout cela ? Vous pouvez aussi passer chez moi après 20 heures. Je suis très occupée en journée. Je vous souhaite la bienvenue parmi nous.» Le billet était signé Josie.
J’étais tombée sur le mot en allant porter un sac poubelle dans l’appentis du fond de la cour qui nous servait de local à poubelles. Son contenu m’étonna. La gestion des poubelles et du recyclage était la même dans tout le pays. Nos nouveaux voisins devaient donc savoir comment procéder. A moins qu’ils ne viennent de l’étranger. Hors d’Europe. Ou qu’ils aient jusqu’alors eu du personnel qui aura géré l’intendance de leur foyer. En outre, Josie avait placardé les prospectus émis par la commune en matière de recyclage ainsi que les dates de récolte des différents types de déchets sur les portes de l’appentis. Ces prospectus ayant été bien conçus, ils ne demandaient pas d’explications supplémentaires.
«Tu ne feras pas de bruit»
Je rentrais chez moi perplexe. Quelques jours plus tard, je mentionnais le mot à un autre voisin. Il ne parut pas du tout étonné. Il avait reçu le même mot à son emménagement et comme il ne lui avait pas paru utile de recevoir un cours de recyclage, il n’y avait pas répondu. Elle s’était donc invitée chez lui «pour faire la curieuse», m’avait-il dit. «Elle n’avait pas assez d’yeux à jeter partout.» Nos nouveaux voisins ne passeraient donc pas à côté de notre Josie et de sa liste de commandements.
Le premier d’entre eux était «Tu ne feras pas de bruit. Josie s’en chargera à ta place quand tout sera calme.» Le deuxième concernait le stationnement : «Ta voiture, tu ne gareras pas n’importe où si de Josie tu ne veux pas subir le courroux.» Suivaient «Tes déchets tu ne mélangeras ou le contenu sur ton palier tu retrouveras» ainsi que «Ta porte à Josie tu ouvriras, sinon devant elle y campera.» il correspondait à «Aux coups de téléphone et aux messages de Josie vite tu répondras ou des billets sous ta porte, elle glissera.» Ainsi que «Au Gimme Shelter, tu n’iras pas!» et «Avant midi, tu ne me réveilleras!» Et enfin, « Méchante Josie n’est pas, mais si tu veux la paix, ses commandements à la lettre, tu suivras.»
Nos nouveaux voisins seraient prévenus directement de ce qui les attendaient, s’ils décidaient de lui consacrer de leur temps. Sinon, ils feraient l’expérience des complexités de Josie Maboul, comme nous, avec le temps.
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