Un dimanche après-midi printanier, après avoir flemmardé toute la matinée, L’homme et moi sortions nous promener la fleur aux dents suivi de mon matou qui daignait à nouveau mettre le nez dehors après une longue trêve hivernale accordée aux souris, piafs, écureuils, papillons, scarabées et lézards du quartier. Devant le café, nous avons trouvé l’abbé Plundapetti et son sacristain. Ce dernier photographiait la statuette de Saint Christophe qui était placée dans la niche au-dessus de la porte du café.
Notre curiosité titillée, nous avons interpellé l’abbé.
- «Bonjour mon père. Qu’est-ce qui vous amène dans notre rue par une si belle journée ?», ai-je demandé poliment.
- «Bonjour mes enfants. Et bien, un de mes paroissiens a attiré mon attention sur la présence de cette statue en ce lieu. Bien que la statue ait été là avant le café, elle n’est plus à sa place sur la façade de ce lieu de débauche», me répond le prêtre.
- «Et que comptez-vous faire?»
- «Moi, rien. A moins qu’on ne me donne l’ordre d’agir.»
- «Le très haut?»
- «L’archevêché!»
- «Vous avez prévenu l’archevêché?», est alors intervenu mon homme qui se contentait jusqu’alors de me tenir gentiment la main, lui qui était d’avis que les religions étaient des mythes servant à éduquer et à canaliser les masses.
- «Non, le membre de notre paroisse dont je vous ai parlé a également envoyé un courrier à l’archevêché, aini qu’à notre Saint Père.»
- «Et bien, mon père, vos fidèles ne badinent pas avec la religion et son symbolisme», s’est étonné mon compagnon.
- «Madame Maboul aime l’ordre.»
- «Un peu trop malheureusement, je ne crains. Et bien, bonne chance, vous allez en avoir besoin avec notre bonne vieille Josie. Que Dieu soit avec vous mon père !», a lancé mon homme tandis que je lui faisais les gros yeux et lui pinçais la fesse de ma main restée pour qu’il se taise.
Alors que nous étions suffisamment loin pour que l’abbé Plundapetti ne puisse nous entendre, mon gentil petit diable, l’œil et le sourire malicieux, m’a indiqué: «Josie va à l’église? Je la pensais plutôt du genre à exploser en passant la porte!» Je lui donnais une grande tape dans le dos et nous avons poursuivi notre promenade bras dessus, bras dessous.
Et dire que Chris avait choisi cet endroit parmi d’autres en grande partie à cause de cette statuette. Il pensait qu’elle allait lui porter chance…
Dieu que Josie était infernale
Saint Christophe fut un véritable cas de conscience pour notre pauvre abb Plundapetti. Il passait de plus en plus souvent dans notre impasse et se plantait de longues minutes devant le café. Ils entortillait le bout de son bouc gris autour de son index et contemplait la statuette d’un air méditatif. Son emplacement était-il si choquant? Fallait-il déplacer la statue? Cela n’allait-il pas enlever du cachet à la bâtisse du bout de l’impasse? Le curé repartait ensuite prplexe en se grattant la tête en soulevant son béret noir, les pans de sa soutane frottant sur le pavé
Quant à Josie, elle jubilait. Là où la justice humaine, la police, les autorités politiques, avaient échoués, elle espérait que le Tout Puissant allait réussir. Pour se mettre Dieu en poche, elle chantait des Allelujah et des cantiques du matin au soir et du soir au matin. A notre grande surprise. Nous ne la savions pas aussi pieuse. Cette situation était peu orthodoxe. La vieille gargouille se transformait en grenouille de bénitier.
Parfois, elle allait troubler la méditation de l’abbé Plundapetti pour s’enquérir de l’avancée du dossier. Il était désormais son seul interlocuteur fiable étant donné qu’il était en lien direct a
vec les cieux et qu’il était le seul à montrer de l’intérêt pour la situation. Pour seule réponse du Saint Père, elle avait reçu une photographie dédicacée et un petit livre de prières. De l’archevêché, elle avait obtenu de s’en remettre au prêtre de sa paroisse avec lespoir que sa volonté soit faite.
Dieu ne pouvait accepter que des dépravés souillent la mémoire d’un de ces disciples. Il devait dicter à l’abbé de mettre tout en œuvre afin que le café ferme. Ce n’était pas à la statuette d’être déplacée. Dans cette guerre que notre voisine livrait au café, Dieu était en train d’en devenir à son insu le bras armé.
Mais bien vite, le prêtre n’obtenant pas de réponses à ses questions, décida d’éluder le problème et d’éviter Josie autant que possible. Il était loin de se douter que le seul moyen pour avoir la paix était de demander à être muté dans une paroisse à l’autre bout du pays. Josie était tenace et ne connaissait pas la signification du mot «Non». Dieu, quant à lui, se gardait bien d’intervenir. Depuis son nuage, il arbitrait le match entre Josie et le reste du monde.
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