Après ça, j’avance

Josie avait cessé de trouver des prétextes pour découvrir si j’étais seule. Elle avait même fini par ramasser le thermomètre qu’elle avait déposé devant ma porte deux mois plus tôt. Elle avait dû comprendre que le Viking ne reviendrait plus. Moi, j’ai encore du mal à l’accepter, à l’intégrer.

Je souhaiterais tellement le retrouver devant ma porte, comme avant, avec sa bouille de garnement souriant. Quand je regarde par la fenêtre, je ne l’aperçois plus traverser le petit pont. Parfois une démarche, un blouson, une carrure font bondir mon cœur, mais ce ne sont que des illusions blessantes. Mon Viking est parti et il ne reviendra plus.

C’est ce qui me rend si triste. Qu’il soit vivant et qu’il ne revienne plus. J’ai perdu quelqu’un de bien.

Je comprends maintenant les poèmes, les romans, les pièces de théâtre, les chansons… Ne me quitte pas… je comprends pourquoi Brel mettait ses tripes sur son piano, pourquoi il suppliait. C’est tellement idiot de vouloir être l’ombre du chien de l’être aimé. C’est idiot d’être triste. C’est aussi irrepressible qu’idiot. Je vois Brel pleurer en noir et blanc. Mes larmes sont translucides.

Oublies-le! Passes à autre chose! S’il t’aimait, il serait resté! Me dit-on. Je sais, je sais, je sais… Mon cœur se tord. Je sais… Il fait oublier, tout peut s’oublier…

Et si je ne voulais pas! Un peu comme dans ce film «Eternal sunshine of the spotless mind». Pourquoi vouloir oublier ce que j’ai aimé? Ce qui m’a fait du bien, ce qui m’a appris beaucoup de choses sur moi?

Il paraît que ça va passer. Pourtant le manque et l’absence sont omniprésents. J’aimerais me cacher là à te regarder… Non, c’est un truc de psychopathe. J’aimerais juste l’avoir encore un peu pour moi, savoir comment il va.

Tout me ramène à lui: une habitude, mon canapé, mes rêves, un sous-vêtement, un Viking, un mot, un Fluide Glacial. Il est partout et nulle part à la fois.

Parfois, quand il était encore là, il m’arrivait de verser une larme quand j’étais dans ses bras, parce que je savais que tôt ou tard il regagnerait sa Scandinavie et que son départ serait irrémédiable et que ce serait sans doute une des dernières fois qu’il me serrait comme ça, ma main dans la sienne, en cuillère. Il ne l’a jamais remarqué. Enfin, je crois…

On a vu souvent rejaillir le feu d’un ancien volcan qu’on croyait trop vieux… Souvent, mais pas cette fois. C’est beau les chansons quand ça rend tout possible. Même si le feu couve encore quelque part, je crains qu’il ne sera pas ravivé. Le rouge et le noir ne s’uniront pas…

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