Signé Josie!

fullsizerender-3Josie était la reine des pétitions. Elle en lançait pour tout et surtout pour n’importe quoi. Les ouvriers communaux ne balayaient la rue que trois fois par semaine : pétition. Le Gimme Shelter l’empêchait de dormir : pétition. Les poubelles passaient à 5 heures du matin : pétition. Un jeune écoutait du hip hop avec la fenêtre ouverte : pétition, pétition, pétition !

Il y eut une période lors de laquelle Josie lançait au moins une pétition par mois. Elle faisait alors le tour du quartier avec ses feuilles à signer pour faire approuver un texte rédigé de manière de plus en plus confuse. Une dame qui habitait à quelques maisons de la nôtre m’a confié que Josie revenait sonner aux portes plusieurs soirs de suite jusqu’à obtenir une signature. Il n’y avait donc pas que moi qu’elle essayait d’avoir à l’usure? Son jeu comportait plusieurs joueurs.

En règle générale, je refusais systématiquement de signer et me tenais à ma décision. Josie pouvait bien venir sonner autant de fois qu’elle le souhaitait. Cette résistance m’avait à plusieurs reprises mise à l’abri de signer quoi que ce soit. Certains mois, Josie ne me présentait rien alors que je savais qu’elle avait fait le tour du quartier avec son dossier en plastique rigide. Etait-ce pour susciter un manque en moi ? Pour que je me sente exclue ? Ou parce qu’elle avait compris que si elle comptait espérer quoi que ce soit de ma part, elle devait me ménager ?

Depuis des années qu’elle était ma voisine, j’avais appris à ne pas me faire d’illusions en ce qui la concernait. Elle ne me zapperait jamais de son vivier de signataires.

Porte-à-porte

J’en eus la preuve le mois dernier. Un soir que j’étais engloutie par les coussins de mon canapé, enroulée sous un gros plaid et que je dégustais un cocktail de vitamines C et d’aspirine, elle vint frapper à ma porte. Je fis mine de ne rien avoir entendu et avalait une gorgée de ma potion en me recroquevillant sur moi-même. «Vas t’en! Vas t’en! Vas t’en!», pensé-je dans ma tête attaquée par un violent mal de tête et quelques minutes plus tard, par le bruit strident de la sonnette de ma porte d’entrée. «Elle ne va pas me lâcher !» Je m’enfouissais plus profond dans mes coussins quand j’entendis sa voix m’appeler derrière ma porte. Sonnée, j’abdiquais et allais lui ouvrir, enroulée dans mon plaid, la mine basse.

  • Tu n’as pas l’air en forme.
  • Don!
  • J’ai fait une pétition pour bannir du quartier les vieilles grenouilles de bénitier qui sonnent aux portes pour essayer de recruter des ouailles qui iront grossir les rangs de leur secte.
  • Ah ! Y en a une qui a sonné pas plus tard qu’hier. J’ai l’impression que plus je leur dis que ça ne m’intéresse pas, plus elles viennent sonner souvent.
  • Elles passent au moins une fois par mois avec leurs bondieuseries et encombrent ma boîte-aux-lettres de leurs brochures sur comment atteindre le paradis sur terre. En ce qui me concerne, ce serait en gagnant à la loterie ou en obtenant la fermeture du Gimme Shelter.
  • Hier, elles ont voulu me parler d’harmonie. Comment l’atteindre, la conserver. Je leur ai répondu que je me sentais en harmonie quand je grattouillais le ventre de mon chat, quand j’empoignais les hanches nues du Viking et que justement au moment où elles avaient sonné j’étais en train de pratiquer une de ces deux activités.
  • Je leur ai dit que j’avais autre chose à faire que d’écouter leurs conneries et que j’étais la pire impie à des kilomètres à la ronde, dit Josie fièrement. (Il était vrai qu’elle avait tenté de pactiser avec la fille du diable) Alors, si elles t’ennuient, tu veux bien signer ma pétition ?

J’en avais assez d’être dérangée par ces vieilles bigotes prosélytes toutes sèches, alors je signais la pétition et m’en retournais m’enfouir dans les coussins de mon canapé gratter le ventre de mon chat. Mais je me faisais peu d’illusions quant à la suite que le maire donnerait à la pétition de Josie. Elle finirait classée à l’horizontal sur le bureau d’un fonctionnaire proche de la retraite.

Enquête de voisinage

Mon virus passa, les vieilles aussi – pour me parler d’amour puisque je semblais avoir un goût certain pour la luxure –, la pétition, elle, ne passa pas. Jusqu’au jour où, un policier me téléphona. Il voulait savoir si j’avais signé la pétition de mon plein gré ou si j’y avais été contrainte et forcée par Josie. Surprise !

  • Ni l’un, ni l’autre ! , répondis-je (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?) D’une part, je l’ai signée parce que pour une fois, je suis d’accord avec elle. Je ne vais pas sonner chez le gens pour les forcer à lire mon blog ou à aimer les chats. Je me sens agressée dans mon quotidien et dans ma foi par ces dames.
  • Ces personnes passent si souvent que cela ?
  • Je ne sais pas s’il s’agit à chaque fois de la même communauté, secte, religion ou je ne sais quoi, mais à ce que je sache, au moins une fois par mois.
  • Donc vous n’avez pas signé la pétition pour que Madame Maboul vous laisse tranquille ?
  • Non pas vraiment… Bon, j’avais de la fièvre et une grosse grippe… Il est vrai que je n’avais pas la force de me battre…
  • Mais vous n’avez pas été contrainte ?
  • Non ! Ma voisine est spéciale mais j’ai quand même encore suffisamment de discernement et de volonté pour ne pas signer n’importe quoi. En outre, je ne pensais pas qu’une suite y serait donnée.
  • Bien merci de votre coopération. Bonne soirée.

Le policier m’expliqua qu’une enquête de voisinage était menée au sujet de Josie et de sa manie de lancer des pétitions. D’ordinaire, elles récoltaient bien moins de signatures pour des causes tout aussi farfelues que celle-ci. La mairie et la police trouvaient suspecte l’adhésion d’autant de personnes à une idée de Josie. En ce qui me concerne, je me contentais de relever que Josie – même si elle condamnait le prosélytisme de pas de porte – houspillait de vieilles femmes qui, comme elle, dérangeaient les gens en sonnant chez eux pour tenter des les convertir à leur foi. Cela ne vous rappelle rien?

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