«Voltaire disait que les pires misogynes
sont toujours les femmes»
– Le palais de minuit de Carlos Ruiz Zafón –
Certains soirs, Josie recevait la visite d’une dame du quartier. En été, elles s’installaient dans la cour sous l’affreux parasol et Josie s’occupait de ses plantes en écoutant poliement la dame lui raconter ses vacances allemandes aux îles Canaries, aux Baléares et à la Costa del Sol ou lui faire l’inventaire de sa nouvelle cuisine.
Elle se faisait appeller Jane, mais les habitants du quartier prétendaient que son prénom était aussi faux que son nez et ses seins. Son vrai nom serait Gisèle. Jane était une relique de son activité passée de cocotte, comme ses gros bijoux de pacotille, son maquillage de camion volé et ses manières exagérément précieuses.
Josie n’était pas dupe. Elle savait bien que Jane venait chez elle pour se vanter. Josie en profitait pour se plaindre des barbares du quartier et Jane s’indignait vaguement. Elles comblaient leur solitude et se confortaient l’une l’autre dans leur conviction d’être trop bien pour le commun des mortels. Chacune fournissait à l’autre l’alibi de son isolement. Josie se doutait bien que jamais Dame Jane qui courait après sa jeunesse autant qu’après les injections de Botox, ne lui proposerait de l’accompagner dans un de ces endroits à la mode qu’elle disait fréquenter. Elle n’avait pas le style adapté. Si c’était bien la bonne raison. Les femmes sont tellement menteuses qu’on ne peut pas croire le contraire de ce qu’elles disent, pensait Josie.
Alors, elles restaient dans la cour. Pour faire savoir au voisinage qu’elle aussi avait une vie sociale, Josie hurlait comme si Jane était sourde et cognait sa tasse ou sa cuillère contre la soucoupe. Elle prennait un accent pincé et abordait des thèmes de société ou de politique, comme l’élection présidentielle aux Etats-Unis.
- Je ne donne pas cher d’Hilary Clinton, lança Josie. Entre les machos qui n’aiment pas voir réussir les femmes et les femmes elles-mêmes…
- Elle peut toujours compter que sur les homosexuels et les étrangers, répond Jane en ricanant – rire aurait risqué de faire exploser les coutures.
- Les femmes ne soutiendront jamais une femme qu’elles jugent plus intelligente, influente, classe ou jolie qu’elles, poursuit Josie.
- Heureusement pour elle, Clinton est très moche. Elle devrait se faire remonter les bajoues et le double menton, ajoute Jane en se caressant le menton du plat de la main.
- Mais non Jane, tu ne comprends rien à la politique. Les femmes ne s’entendent que pour taper sur les autres. Souviens-toi des deux mégères du quartier!
- Elles ne pouvaient pas se blairer, mais quand il s’agissait de dézinguer les gens, elles étaient les meilleures amies du monde. Et tu crois que la Clinton, elle va perdre à cause des femmes misogynes?
- Peut-être bien.
- Si tu as raison, alors expliques-moi pourquoi les femmes préfèreraient faire élire Madame Obama?
- La Obama, heureusement qu’elle est bien roulée. Si c’était un tromblon, elle n’aurait pas pu faire le tiers du quart des pitreries qu’elle a faites à la télévision. Franchement, dans dix ans que restera-t-il à part des images d’elle donnant des cours de sport à des adolescents obèses?
- C’est pour cela que l’apparence est importante! Une femme n’a pas besoin d’être intelligente du moment qu’elle est belle. La femme de Donald Trump ne manque de rien…
- Tais-toi! Tu ne peux pas dire ça! Imagine qu’une féministe promène son chien dans la rue!
- Il y en a par ici? Oh et puis zut!, je n’ai pas dit qu’elle était bien payée pour faire la cuisine ou repasser les slips de son mari.
- Il commence à faire frisquet, rentrons!
Jane n’était vraiment pas maline, pensa Josie en débarrassant la table. Si elle l’avait été, elle n’aurait pas eu besoin de faire le tapin après que son mari l’avait mis à la porte. Le pauvre homme avait dû en avoir marre de toujours tout devoir lui expliquer à longueur de journée. Faut dire qu’elle était fatiguante aussi! Heureusement qu’elle ne lui rendait pas visite plus souvent. Parfois, elle se demandait si toute la saloperie qu’elle s’est mis sur le crâne pour se décolorer en blonde ne lui avait pas bouffé le cerveau. «En fait», pensa Josie, «parfois avec ses traits figés et sa bouche de canard, elle me fait penser à une marionnette de ventriloque. Je me demande si elle dort les yeux ouverts…»
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