Josie en était à présent convaincue, Chris du Gimme Shelter voulait se débarrasser d’elle. Sournoisement, il lui avait offert des mets succulents empoisonnés àl’antigel. elle s’était renseignée sur Internet et avait dû se rendre à l’évidence, elle présentait tous les symptômes d’empoisonnement à court terme. En outre, à l’épicerie, la rumeur circulait que Chris avait constitué un stock d’antigel alors que l’été approchait.
Devait-elle prévenir la police, consulter un médecin une nouvelle fois ou confronter Chris directement? Si Josie hésitait sur la procédure à suivre, elle savait dores et déjà que les mots et les cadeaux de Chris finiraient désormais à la poubelle plutôt que dans son estomac. Elle avait peut-être encore une chance de survie.
Etrangement, les effets désagréables cessèrent dans les jours qui suivirent l’arrêt de la prise de nourriture. C’était bien la preuve que quelqu’un voulait lui faire passer l’arme à gauche. Avant que Chris ne change de stratégie et ne lui coule les pieds dans du béton, Josie s’en alla porter pèlainte à la police.
Police secours
Ayant trop souvent sollicité les forces de l’ordre pour tout et surtout n’importe quoi, l’agent présent au commissariat refusa de la prendre au sérieux. Tout le monde connaissait l’acharnement de Josie à pour faire fermer les cafés du quartier et plus particulièrement le Gimme Shelter. L’agent de police crut donc à une nouvelle stratégie de sa part. Le patron en prison pour meurtre, elle serait parvenue à ses fins. Mais Josie insista. Elle exigea d’être reçue par le commissaire et le menaça d’avoir sa mort sur la conscience s’il laissait courrir un pareil criminel. Elle promit de revenir avec un avocat – Me Gaspart Vogel, un ténor – et de porter plainte pour non-assistance à personne en danger. Car oui, clama-t-elle, c’est ce qu’elle était: la victime d’une machination. Elle l’honnête citoyenne qui ne souhaitait qiue la paix et l’harmonie.
Le policier lui conseilla d’aller consulter un médecin avant d’entreprendre une quelconque démarche juridique et de ne pas ébruiter ses intentions tant qu’elle n’aurait pas la confirmation formelle qu’elle était victime d’empoisonnement. Le médecin lui fit passer un dépistage digne d’un cycliste dans un contrôle anti-dopage: prise de sang, pipi dans un petit pot, test à l’effort (imaginez-vous Josie trottinant en maugréant sur un tapis de course, reliée à des électrodes) et tests de salive avec un coton-tige.
Notre chère vieille emmerdeuse se sentrait traitée comme une vieille toxicomane. Elle attendit les résultats avec fébrilité. D’autant que les rumeurs allaient bon train dans le quartier. Ceux qui avaient consulté Wikipédia la disaient moribonde. D’autres ne croyaient pas en cette histoire et se marraient bien à l’idée que Chris l’avait bien eue. C’était mon cas. Chris l’avait prise à son propre jeu. Il avait jonglé à merveille avec la rumeur, la crédulité, la malveillance et la curiosité des habitants du quartier ainsi qu’avec la propre orgueil de Josie. Le plan de Chris avait fonctionné. Josie paniquait.
Trompeuses apparences
Elle l’avait toujours pris, lui et ses clients, pour des truands. Il ne pouvait donc que mettre ses menaces à exécution. Mais Josie n’aurait jamais imaginé qu’il puisse choisir un motus operandi aussi raffiné. et aussi long à mettre en place. Elle avait plutôt imaginé qu’il l’étranglerait ou la batterait à mort avec un extincteur. Quelque chose de plus viril, de moins pervers.
Chris avait gagné, elle avait perdu, pensait-elle. C’était impossible personne ne lui avait jamais résisté. Les gens finissaient toujours par plier, ne serait-ce que pour avoir la paix. Les autres l’ignoraient sagement ou quittaient le quartier et partaient très, très, très loin d’elle. Josie mourrait dans son quartier et ce, le plus tard possible.
Les voisins du quartier avaient dû parier si oui ou non, ils allaient être débarrassés d’elle rapidement. Mais Josie n’était pas encore prête à ce qu’on danse autour de sa dépouille encore froide ou qu’on crache sur sa tombe. Non, Josie rêvait de devenir centenaire pour emmerder son monde le plus longtemps possible. Ah ça, elle avait enquiquiné des générations de voisins. Et même après sa mort, elle comptait revenir hanter tous ces idiots. Mieux, elle pourrait entrer absolument partout. Traverser murs et portes qu’on lui laissait closes. Visiter tous les appartements et toutes les maisons. Découvrir les secrets les plus intimes et les plus honteux de chacun. Il n’y aurait plus de limites à sa curiosité. C’était donc cela le paradis?
Les résultats des examens médicaux vinrent quelque peu décevoir ce rêve. Mais elle allait vivre. C’était plutôt une bonne nouvelle étant donné que personne n’était jamais revenu de l’au-delà pour lui confirmer qu’elle pourrait trouver la mort plus amusante que la vie.
Mauvaise graine
Le lendemain de cette annonce, elle déposa un bouquet de mauvaises herbes devant la porte du Gimme Shelter. Le message était clair: pour se débarrasser d’elle, il fallait des pesticides ou de la mort aux rats, pas du prétendu antigel. Bien qu’elle ne l’admettrait jamais, Josie avait eu peur pour sa vie et avait vraiment cru aux rumeurs d’empoisonnement. L’humour et l’introspection n’étant pas ses principales qualités, elle ne garda de cette aventure qu’une haine encore plus tenace à l’encontre de Chris. Il s’était moqué d’elle et l’avait ridiculisée dans tout le quartier. Dans sa logique maboulienne, Josie ne pouvait que passer à côté du message que le patron du bar avait cherché à lui envoyer et à déterrer une nouvelle fois la hache de guerre. Et cette fois, Josie était déterminée à ne plus rien laisser passer.
Des temps difficiles s’annonçaient pour Chris. Josie regrettait d’avoir été trop gentille avec lui jusqu’à présent. Le moindre décibel au-delà de la limite autorisée allait être signalé à la police – elle allait se procurer un appareil de mesure -, le moindre client ivre et brouillant aussi… Elle n’allait absolument rien laisser passer.
De perspective de voisine, je craignais déjà ses coups de sonnette à n’importe qu’elle heure en soirée pour se plaindre de trois fois rien et j’anticipais déjà les enquêtes de voisinage que la police serait obligée de réaliser… Joie dans le monde et au standard de la police!
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